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Les abus sexuels et le pardon

Lorsque j’accompagne des personnes dans le processus de guérison d’un abus sexuel vécu en enfance, une question vient indubitablement sur la table: le pardon n’est-il pas nécessaire pour guérir des abus ? C’est en effet, ce que prêche notre morale judéo-chrétienne. Pardonner ouvre la porte à la délivrance émotionnelle, à la libération de tous les maux.

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord définir ce que pardonner implique vraiment pour les victimes d’abus sexuels. Je vous présente donc la définition :

  • Pardonner : renoncer à punir une faute, à se venger d’une offense ; avoir de l’indulgence pour excuser ; accepter sans dépit, sans jalousie.
  • Pardonner à quelqu’un : cesser d’entretenir à son égard de la rancune ou de l’hostilité pour ses fautes.

Il y a donc deux éléments importants dans le pardon. Le premier implique un abandon de la colère et du blâme envers l’abuseur ainsi qu’une capacité à excuser le mal qu’il a fait. Le deuxième élément consiste à ne plus rechercher compensation ou réparation pour le mal qui a été fait. Cette compensation peut être entre autres, une poursuite en justice, une reconnaissance de culpabilité par l’abuseur ou une compensation financière.

Il est vrai qu’il faut abandonner un jour ou l’autre le désir d’obtenir quoi que ce soit de la part de l’abuseur. On peut se sentir trappé en recherchant la reconnaissance d’une personne qui ne nous a jamais pris en considération.  Il est important d’en arriver à se centrer sur soi-même et son bien être peut importe ce qu’il advient de ce dernier.

Il est vrai aussi que développer de la compassion pour les autres est un sentiment agréable. On y retrouve un sentiment de liberté. La colère et la rage se dissipent. Mais cet état ne peut se programmer, ni se forcer. Il n’est pas non plus l’objectif final ou ultime d’un processus de guérison. Ce n’est pas tous les survivants d’abus qui arrivent au pardon et à la compassion. Dépendant de l’intensité des abus, ce peut même être inapproprié de le faire.

Je crois sincèrement qu’il s’agit d’une offense de suggérer à une victime d’abus de pardonner. Cette exigence implique une complète négation de son expérience et de ses sentiments. Cette insinuation est souvent proposée par les proches qui vivent mal avec les conséquences de l’abus sexuel. Ils ont du mal aussi à composer avec les émotions de colère, de rage et de tristesse chez la victime. À titre d’exemple, je me souviens d’une cliente qui recevait des appels de ses frères et soeurs afin qu’elle pardonne les abus de son beau-père ( de 4 à 14 ans ! ) pour enfin avoir la chance de faire une réunion familiale.

Pour réussir son processus de guérison, la seule personne qu’une victime d’abus sexuel doit impérativement pardonner, c’est elle-même. Tout le processus de recouvrance dépend de cette capacité à se pardonner. En effet, la victime doit développer de la compassion envers l’enfant qu’elle était et qui était dans le besoin. Elle doit également pardonner à son corps d’avoir peut-être répondu aux touchers. Elle doit apprendre à valoriser l’enfant qui tentait à sa façon, d’éviter ces abus. La survivante doit non seulement développer de la compassion pour sa vie en tant qu’enfant, mais également pour sa vie en tant qu’adulte.  Une vie adulte teintée par les limites et les difficultés causées par le vécu abusif. Selon moi, il n’y a que cette démarche de pardon qui est essentielle à la guérison. Une fois cette compassion développée, elle peut plus facilement se déployer envers les autres.

Finalement, si le pardon «divin» existe bel et bien, il revient avant tout à Dieu de le donner… pas aux victimes. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Référence: Ellen Bass, Laura Davis. The courage to heal. Harper & Row Publishers New-York. 1988

Qui suis-je ?

Je m'appelle Marie-Josée Drouin et je suis sexologue, psychothérapeute auprès de couples et d'adultes depuis 18 ans.

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