Archive for the 'Émotions' Category

La honte (Shame)

Je viens tout juste d’aller voir le très bon film La honte (Shame). Il s’agit d’un film qui aborde le cycle infernal de la dépendance sexuelle.  Il a été écrit par Abi Morgan et par Steve McQueen. Ce dernier s’est occupé de sa réalisation.

Sans trop vouloir vous en dire sur le scénario, le film raconte l’histoire de Brandon (joué par Michael Fassbender), un beau trentenaire habitant New-York, incapable de gérer sa vie sexuelle. Il se voit perdre le contrôle de son existence avec le retour en ville de sa soeur.

Ce film illustre très bien la dynamique ainsi que la souffrance associées à la dépendance sexuelle. Steve McQueen nous démontre combien le dépendant sexuel est enivré par la poursuite, la chasse et la conquête du défendu et de l’illicite. On voit aussi le désir de s’approprier l’intoxication de l’amour naissant.

Le film rapporte également avec beaucoup de justesse, l’impact émotionnel du passage à l’acte des obsessions sexuelles. La personne souffrant de dépendance est souvent habitée par la honte et la culpabilité face à ses actes et au manque de contrôle face à son existence.

Mais, le vécu qui supplante tous les autres et qui est le mieux incarné dans le film, est certe l’isolement dont souffrent les dépendants sexuels. Il est, selon mon expérience professionnelle, la racine ainsi que la conséquence la plus importante de cette dépendance.

Seule mise en garde par rapport au film et qui m’a été rapportée : Même si les images de sexe ont été sublimement tournées, sans se vouloir trop accrocheuses ou pornographiques, vous risquez malheureusement d’être déclenchés dans vos obsessions si vous souffrez de dépendance sexuelle.  Il faut en être conscient !

Sur ce bon visionnement !

Le sexe, pour oublier l’ennui

L’ennui est une émotion humaine que l’on peut décrire sous différents aspects. C’est une expérience émotive désagréable où nous perdons contact avec notre vitalité intérieure. L’ennui, c’est ne plus avoir d’intérêt pour nous-même, pour les autres ou pour l’extérieur. C’est une impression d’être figé dans le même et le semblable.  C’est l’émotion contraire à l’intérêt. L’ennui peut frapper la personne seule, mais peut se vivre aussi en présence des autres. Il peut surgir de façon subite, innatendue, mais peut aussi s’installer en nous lentement et insidieusement.  Une chose est certaine, il ternit et grisaille notre réalité.

Le sexe peut facilement être utilisé pour voiler ou même complètement masquer l’ennui que nous pouvons ressentir dans notre vie ou notre relation. La vivacité du plaisir sexuel associé à la fusion avec l’autre peut être un puissant analgésique temporaire. Les fantaisies érotiques peuvent avoir le même effet. Je pense à Stéphane qui trouve sa vie sexuelle rigide et routinière avec sa conjointe. Il attend impatiemment le coucher de son élue pour pouvoir se brancher sur le net. Il y trouve une panoplie d’histoires plus excitantes les unes que les autres. Il ne ressent alors plus le vide et l’ennui… Le revers à cette échappatoire : il ne fait presque plus l’amour à sa femme.

Je pense aussi à Geneviève qui vit seule depuis plusieurs années et qui n’aime pas son travail. Elle multiplie les rencontres sexuelles parce qu’elle aime se nourrir du désir et de l’admiration qu’elle éveille chez ses amants. Elle a le sentiment d’établir des relations et ne ressent plus son ennui… Le revers encore une fois : elle me dit ressentir du plaisir sexuel, mais ne ressent aucune satisfaction sexuelle…

La masturbation compulsive, la promiscuité sexuelle (grand nombre de rencontres sexuelles), tous ces orgasmes, représentent en quelque sorte des manifestations de l’ennui. Une consolation à la tristesse de vivre. L’ennui que l’on ressent mérite que l’on s’y arrête afin de découvrir ce qui doit changer en nous-même, dans notre vie ou dans nos relations. L’ennui est une émotion humaine utile. Il veille  à notre développement. Pour qu’il puisse disparaître, il ne faut pas s’en distraire. Il doit être senti et confronté. Sortir de l’ennui implique un effort, un travail. Il  faut s’opposer à notre inertie et à notre sentiment d’impuissance face à notre réalité. Malheureusement, plusieurs d’entre nous sont prêts à renoncer à leurs potentialités plutôt que d’accueillir la souffrance parfois nécessaire pour les faire grandir …

Référence: Jules Bureau, Vivement la solitude ! La nature et les avantages de la solitude et ses liens avec la sexualité humaine, Editions du Méridier, 1992.

Cette culpabilité qui nous emprisonne

Si la culpabilité est inscrite dans nos gènes et dans notre culture judéo-chrétienne, elle est également le construit de notre culture. Nous avons comme société dicté des règles, des lois et nous avons défini la notion de bien et de mal.  Ainsi, peu d’individus échappent au sentiment de culpabilité.

La culpabilité survient lorsqu’on a l’impression d’avoir commis une faute, ou qu’on a le sentiment d’être en faute. À tort ou à raison, nous avons le sentiment de faire, de penser, de dire, ou de vivre quelque chose de non-acceptable, de non-autorisé ou de non-désirable pour les autres. On porte une responsabilité personnelle dans un événement fâcheux. Il se manifeste en nous alors, de l’angoisse, des obsessions ou des ruminations, de la honte, du doute, des sentiments dépressifs et très souvent, une dévalorisation de soi.

Les racines de la culpabilité

La racine de la culpabilité se trouve plus souvent qu’autrement, dans la petite enfance. C’est une époque où l’égocentrisme de l’enfant lui faire croire qu’il est au centre de tous les événements, et par conséquent, qu’il en est responsable. Lorsqu’il y a des souffrances, des difficultés ou des drames familiaux tels que la maladie d’un membre de la famille ou même la mort, des conflits conjugaux ou un divorce, l’alcoolisme d’un père ou la dépression d’une mère, l’enfant croit que c’est par sa faute. Il se croit coupable de tous les événements négatifs.

La souffrance de l’enfant est d’autant plus grande étant donné son impuissance à éliminer cette souffrance qui le touche lui, ainsi que ses proches. Dans son sentiment de toute-puissance propre à l’enfance, il nourrit l’illusion qu’il peut réparer, combler, rendre heureux, guérir, se faire aimer.  Lorsqu’il réalise qu’il ne peut y parvenir, il préfère se sentir coupable que de se reconnaître impuissant.

Il n’y a pas que les drames familiaux qui sont un terrain fertile à la culpabilité. Les carences affectives provoquées par le fait de ne pas avoir été désiré comme enfant, de ne pas avoir été reconnu, d’avoir été abandonné ou négligé peuvent générer de la culpabilité. En effet, l’enfant qui ne se sent pas aimé a tendance à se remettre en cause. Il a l’impression de ne pas être assez bien pour être apprécié et entouré. S’il manque  d’amour, d’affection et de reconnaissance, c’est par sa faute. Adulte, il aura tendance à douter et à constamment se remettre en cause.

Si l’enfant se sent rejeté, non-aimé, il risque de développer la culpabilité de ne pas être à la hauteur, de ne pas être suffisamment intéressant, digne d’amour. Adulte, il peut devenir très exigeant envers lui-même pour deux raisons. Il désire rehausser son estime personnelle et enfin mériter l’amour des autres. Il veut gagner sa place affective. Malheureusement, cette stratégie a un effet pervers. La barre est souvent trop haute et engendre un sentiment permanent d’insatisfaction ainsi que la croyance «tu pourrais faire mieux».

Finalement, il est clair qu’avoir une éducation particulièrement rigide, normative, empreinte de «il faut que tu… tu te dois de….» provoque une tendance à la culpabilisation. Les parents enclins aux reproches, à la punition, à la domination tout en laissant peu de place à l’expression des sentiments de l’enfant, favorisent l’émergence de la culpabilisation.

Culpabilité agissante à l’âge adulte

Selon le vécu familial,  le rôle joué dans la famille, les carences ressenties, les demandes explicites et implicites parentales, nous pouvons traîner avec nous des sentiments liés à la culpabilité :

  • Sentiment de «ne pas être assez bien» : avoir l’impression de ne jamais mériter l’estime des autres. On nourrit l’idée que les autres sont toujours plus intéressants, plus aimables, plus beaux, plus intelligents, ou qu’ils réussissent mieux.
  • Sentiment de «mal» faire : avoir le sentiment de ne jamais faire ce qu’il «faut», ni le faire suffisamment bien. Sentiment que d’autres feraient mieux, ou font mieux.
  • Sentiment de ne pas être «comme il faut» : avoir l’impression de ne pas correspondre aux attentes des autres, aux désirs des autres, de ne pas entrer dans le «moule».
  • Sentiment de faire «du mal» : Si la personne fait quelque chose pour elle par plaisir ou pour son propre intérêt, elle a l’impression de faire du mal à autrui, de causer du tort aux autres.  Elle se juge égoïste.
  • Sentiment de ne pas «avoir de droits» : Être imprégné d’un sentiment de ne pas avoir le droit de faire, de dire, de penser, de désirer ou même d’exister. La moindre expression de soi-même est difficile. Vouloir se réaliser et s’affirmer provoque un sentiment d’être en faute.
  • Hyper-responsabilisation : Se sentir trop responsable des autres, de leur sort, de leur bien-être, de leurs réactions, de leur évolution. Être trop sensible aussi à ses propres devoirs et responsabilités.

Etre soi-même sans culpabiliser; c’est être responsable oui, mais coupable, non.

Lorsque nous sommes imprégnés de culpabilité, nous avons tendance à déformer la réalité. Il est difficile d’analyser les événements et situations avec objectivité.   Nous avons tendance à dramatiser un élément, minimiser l’essentiel,  ne voir que nos manques ou lacunes ou bien attribuer un pouvoir à l’autre tout en se destituant du nôtre. On devient passif, prisonnier de nos règles ou de nos blâmes.

Afin de ne plus être prisonnier de cette culpabilité toxique, il est bon de se responsabiliser face à nos choix, nos actions, nos manques et nos besoins.  Lorsqu’on se responsabilise, on peut grandir, changer, évoluer. Nos potentialités peuvent se déployer.

Voici donc ce que la responsabilisation implique:

  1. Identifier de quoi on se sent coupable
    Quels sont les faits ? Quelle faute pense-t-on avoir commise ? Quel est l’enjeu pour soi dans la situation vécue ?
  2. Faire des liens et rechercher l’origine de sa culpabilité
    Il est bon de repérer ce qui peut être à l’origine de son sentiment de culpabilité.  Y a-t-il eu dans votre passé familial un événement négatif dont vous avez pu vous croire coupable ? L’un de vos parents était-il très exigeant avec vous ? Votre éducation a t-elle été très stricte, rigide ? Vos parents vivaient-ils dans la culpabilité ? Travaillez-vous dans un milieu culpabilisant ou infantilisant ? etc…
  3. Faire son autocritique
    Cette étape consiste à reconnaître ses torts ou ses erreurs le plus honnêtement possible ainsi que le plus objectivement possible. Cette étape implique aussi de tenir compte également de la responsabilité de l’autre dans la situation. Ne vous exigez-pas la perfection !
  4. Chercher des solutions constructives
    Il s’agit de se questionner si on peut réparer la situation, et comment. Se questionner aussi sur ce que l’on pourrait faire mieux la prochaine fois. C’est aussi identifier ce qui peut être dit ou fait de constructif, pour soi, et pour les autres. Quelles sont les réactions, les attitudes, les décisions ou les changements que je trouve appropriés face à ce qui est arrivé.
  5. Devenir responsable
    Faire des choix par rapport à notre sentiment de culpabilité et par rapport à la situation vécue. Cela veut dire prendre action, s’expliquer, Chercher le dialogue, mettre en application les solutions identifiées. Cela veut dire aussi apprendre à dire non, mettre des limites, nommer à l’autre sa responsabilité et être conscient de son propre pouvoir.
Référence: Sarah Famery, Etre soi sans culpabiliser, Editions Groupe Eyrolles, 2008.

Qui suis-je ?

Je m'appelle Marie-Josée Drouin et je suis sexologue, psychothérapeute auprès de couples et d'adultes depuis 18 ans.

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